[L’Opinion] Philippe d’Ornano (Sisley): «Travailler et produire en France»

Philippe d’Ornano (Sisley): «Travailler et produire en France»

Dans le cadre du grand débat national, l’Opinion se fait le porte-voix des entrepreneurs et des libéraux

La crise sociale pose les questions de pouvoir d’achat, de fiscalité et de déclassement des territoires. Leur irruption dans l’espace public est d’abord la conséquence d’une politique économique qui depuis 40 ans n’a pas su créer les conditions de la prospérité. Les symptômes de cette crise sont anciens et propres à notre pays : dette colossale, désindustrialisation ininterrompue, recul des exportations, croissance anémique, chômage de masse… De cette crise, les ETI, entreprises des territoires, sont un bon indicateur : elles étaient autant qu’en Allemagne en 1980, elles sont aujourd’hui deux fois moins nombreuses.

Le grand débat est une formidable opportunité pour remettre enfin la France sur les bons rails. A condition que ses termes en soient correctement posés. Ce débat ne sera utile que s’il est pédagogique et se nourrit de comparatifs européens. S’il se garde des caricatures comme celles qui ont ressurgi sur l’ISF ou sur le CICE. Car ne nous y trompons pas, il n’y a pas d’un côté les Français et de l’autre les entreprises. Nos destins sont liés. La surfiscalité et la pression normative harassent de la même manière les Français et leurs entreprises.

L’enjeu est de repenser les conditions du « travailler et produire en France », pour répondre pragmatiquement à une équation simple : des salariés mieux payés dans des entreprises plus compétitives. C’est la condition essentielle du retour de la prospérité et, par là même, de la pérennité d’un modèle social juste et solidaire.

Pour cela, il faut repenser la fiscalité française. Elle taxe depuis 30 ans ses entreprises 50 % de plus que la moyenne européenne et deux fois plus que l’Allemagne. Notre pays paye ce décrochage européen par une baisse de son activité et un chômage croissant.

Les conditions du « travailler en France » sont sclérosées par une politique malthusienne de baisse des charges sur les seuls bas salaires

Sur-taxation. L’essentiel de cette sur-taxation ne concerne que les entreprises qui produisent sur le sol français. Il s’agit de 75 milliards d’euros dont 50 % sont supportés par les seules ETI. Ironie du sort, les recettes de ces taxes sont principalement affectées aux collectivités alors qu’elles détruisent leur tissu économique local. Pour sauver la production française, il faut réduire le volume de ces taxes et asseoir le financement territorial sur d’autres recettes.

Les conditions du « travailler en France » sont sclérosées par une politique malthusienne de baisse des charges sur les seuls bas salaires. Ces milliards ont été prélevés sur les salaires des personnels qualifiés dont les charges sont, là encore, deux fois plus élevées qu’ailleurs en Europe. Comment l’économie française peut-elle prétendre faire la différence dans la compétition mondiale, si elle surtaxe à ce point ses cadres, ses techniciens, ses ingénieurs, ses développeurs ?

C’est encore la créativité, le sens de l’effort et l’esprit d’équipe qui sont pénalisés par les atteintes portées à l’épargne salariale. Participation, intéressement, actionnariat salarié, voilà des dispositifs qui sont aujourd’hui taxés alors qu’ils associent les salariés à la création de richesse dans l’entreprise, en même temps qu’ils apportent un complément de pouvoir d’achat précieux.

La réforme fiscale est au cœur des attentes des Français. Les choix qui seront faits à la sortie du grand débat témoigneront de la capacité de notre pays à se voir tel qu’il est et à se projeter vers l’avenir. Un avenir dans lequel aucune fatalité n’interdit à nos usines de repeupler les territoires et de les redynamiser. A condition que soit fait le choix du travailler et du produire en France.

Philippe d’Ornano, président de Sisley, co-président du METI.

Publie par L’Opinion le 21 janvier 2019