[LE FIGARO] « Primaire à droite : le grand oral de l’économie pour les candidats»

Mardi, maison de la Chimie, 10 h 20. Ils sont déjà plusieurs dizaines d’entrepreneurs et d’investisseurs à attendre le premier des six candidats à la primaire de la droite. Dans moins d’une heure, Alain Juppé leur présentera son programme et sera suivi dans la journée par Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-François Copé, Bruno Le Maire, François Fillon et Nicolas Sarkozy. Chacun va tenter une opération séduction lors de ces «Primaires de l’économie», organisées par l’ACSEL (Association transversale du numérique en France), CroissancePlus, France Digitale, le Meti (Entreprises de taille intermédiaire) et France Biotech… Dans les couloirs, les discussions vont bon train: «On vient de passer cinq années horribles, il faut vraiment remettre les entreprises de croissance au cœur du débat», souffle un entrepreneur. Ont-ils un favori? «J’attends la fin de la journée pour me prononcer», répond un financier. «Oui, mais je ne vous le dirai pas! Sauf peut-être que ce n’est pas le favori…», rétorque un autre.

• 11 heures. Alain Juppé

Alain Juppé
Alain Juppé – Crédits photo : MARTIN BUREAU/AFP

Les journalistes se précipitent à l’entrée, caméras et perches s’entrechoquent. «Un jour ils vont en tuer un», peste la directrice de campagne d’Alain Juppé et ex-entrepreneuse, Virginie Calmels. Le candidat se lance: il a 12 minutes pour présenter ses priorités. «Je veux remettre les entreprises au cœur des politiques de l’emploi», déclare le favori de la primaire. Le compteur défile sur grand écran, il parle de sa loi fiscale «qui garantira la visibilité aux entreprises sur le quinquennat». Dans la salle, on critique l’absence de détails. «Il a la stature mais je reste sur ma faim», peste un patron.

Alain Juppé se détend quand Guillaume Richard, le patron de O2 (services à la personne), l’interroge. «Dans votre ouvrage, vous dites beaucoup que vous aimez la France, mais aimez-vous aussi l’entreprise?» demande-t-il. «Je vais vous en donner des preuves», rétorque Juppé. Une déclaration saisie au vol par Bruno Grandjean, le président de Redex, qui regrette que les baisses de cotisations proposées soient concentrées sur les bas salaires «alors que la France a besoin d’entreprises qui innovent et exportent». Pour l’heure, Juppé n’en démord pas. «C’est une recette qui n’a jamais marché. On espère encore le faire changer d’avis», confie Philippe d’Ornano, président de Sisley et coprésident du Meti.

• 12 h 15. NKM

NKM
NKM – Crédits photo : MARTIN BUREAU/AFP

Nathalie Kosciusko-Morizet apporte la touche féminine de la journée. La salle est plus clairsemée, le discours plus lyrique, moins organisé, mais il y souffle un vent de nouveauté. «Le nouveau monde est plein d’opportunités. Pendant longtemps, on a voulu tous les mêmes produits le moins cher du monde ; aujourd’hui nous voulons des produits qui nous ressemblent», jure-t-elle. Investissements et créativité sont ses lignes directrices. Elle défend aussi un statut du travailleur indépendant. Lors de la table ronde, elle engage une discussion spontanée: «Quand les politiques ne comprennent pas un sujet, ils ont tendance à le transformer en débat moral. L’ubérisation arrive ; il faut arrêter d’épiloguer et nous organiser pour en tirer parti.» L’ex-ministre n’oublie pas de tacler ses adversaires: «Avoir 100 mesures en stock ou des programmes de 1000 pages, ça ne sert à rien si on ne leur donne pas un sens! explique-t-elle. Supprimer le syndicalisme, ce sont des trucs qu’on dit dans la campagne et qu’on ne fait jamais.» Un entrepreneur approuve: «Elle est ingénieur et geek, moi j’aime bien!»

• 14 h 15. Jean-François Copé

Jean-François Copé
Jean-François Copé – Crédits photo : AFP/AFP

Jean-François Copé fait son entrée. Le discours est plus politique. Copé parle de la droite, de Hollande, des dépenses sociales, de sa volonté de diriger par ordonnances. «On a retardé les choix décisifs, on a fait de la pompe à morphine», jure-t-il. Il explique «vouloir créer les conditions pour que nos enfants réussissent en France». Et cite certaines mesures emblématiques de son projet: un numéro de Siret pour chaque jeune de 16 ans, le référendum d’entreprises généralisé, la réforme de l’Inspection du travail, la fin du paritarisme… Le discours est allant. De celui qui n’a rien à perdre. Avant son départ, François Bergerault, cofondateur de L’Atelier des chefs, le «met au défi» de connaître toutes les lois fiscales de la France!

• 15 h 10. Bruno Le Maire

Bruno Le Maire
Bruno Le Maire – Crédits photo : MARTIN BUREAU/AFP

Bruno Le Maire fait son apparition. La salle s’est bien remplie. «Je vais vous résumer 1000 pages de projet en 12 minutes!» s’amuse-t-il. Insiste sur la baisse de la CSG, celle de l’IS et la suppression de l’ISF. Évoque son contrat à objectif déterminé de trois ans renouvelable cinq fois – «c’est ce qu’a fait Matteo Renzi en Italie et ça fonctionne», précise-t-il -, la privatisation de Pôle emploi. Contrairement à NKM, il «ne croit pas à un monde ubérisé, à une France sans usine». La salle est aussi sage que le candidat. Non loin de là, Philippe Carle, chairman de Marsh & McLennan Companies France, prend un café en arborant un bracelet rouge siglé #AVECBLM.

• 16 h 30. François Fillon

François Fillon
François Fillon – Crédits photo : MARTIN BUREAU/AFP

La salle est comble. François Fillon attaque fort: «J’ai sillonné la France et j’ai entendu le message: Que l’État arrête de vous emmerder!» Applaudissements. «Mon programme coche les 10 cases du projet que vous avez élaboré» (les propositions faites par les cinq associations), poursuit Fillon: réforme de la fiscalité du capital, suspension des droits de transmission quand elle reste dans la famille, orientation de l’épargne vers les PME, etc. Olivier Mathiot, PDG de PriceMinister, voit de nouvelles opportunités dans la plate-formisation de l’économie? Fillon jure qu’on peut créer un million d’emplois avec le statut de travailleur indépendant. «Allez voter pour le candidat qui porte vos idées!» s’amuse-t-il en partant.

• 18 heures. Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy
Nicolas Sarkozy – Crédits photo : MARTIN BUREAU/AFP

Nicolas Sarkozy monte sur scène, sous quelques bravos. «La seule stratégie économique consiste à diminuer la dépense publique et à baisser les impôts, il n’y a pas besoin de 12 minutes pour dire ça!» attaque l’ancien président de la République. Place au dialogue… Les questions fusent. «Le numérique est un atout, mais l’industrie n’est pas le passé!» s’emporte-t-il d’abord. «Les entrepreneurs du numérique ne choisissent pas Londres pour le climat!» s’amuse-t-il ensuite. Plus sérieux: «ils y vont parce qu’ils peuvent lever des capitaux ; le problème de nos banques, c’est qu’elles adorent prêter quand on n’en a pas besoin!» D’où son intention de défiscaliser 60 % de l’investissement dans les entreprises. Il évoque aussi la suppression de toute norme française supérieure à la moyenne européenne. Satisfaction dans la salle. Déception en revanche sur la baisse des charges: Nicolas Sarkozy veut, lui aussi, les concentrer sur les bas salaires.

• 19 heures

La journée marathon des chefs d’entreprise avec les six candidats à la primaire de droite se termine. Qui remporte le grand oral? «C’est à l’applaudimètre que vous avez votre réponse», sourit un patron. Cela se jouerait donc entre Fillon et Sarkozy…. lire la suite